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FULGURANCES D’APRÈS SILENCE

Nuance

En Inde on entend cette histoire :

- Le Bouddha s’assied pour son discours. Un magnifique oiseau au chant merveilleux se pose sur le rebord de la fenêtre. Tout le monde l’écoute, émerveillé, puis quand c’est fini, le Bouddha dit : « Le discours du jour est terminé », il se lève, salue d’un anjali mudra et quitte la salle.

Ou celle-ci :

- Le Bouddha s’assied pour son discours. Il regarde par la fenêtre. Un oiseau normal au chant normal est sur le rebord. L’assemblée suit le regard du Bouddha et écoute avec lui ce chant normal par cet oiseau normal, puis quand c’est fini, le Bouddha dit que le discours du jour est terminé, il se lève, salue et quitte la salle. 

Ces deux histoires en réalité fort différentes sont destinées à des publics différents. Il est instructif de se pencher un moment sur la chose. 

Dans le premier cas, celui qui raconte l’histoire s’adresse à l’uneducated* : l’oiseau est merveilleux, son chant est enchanteur et le message est que « rien ne vaut le merveilleux quand il advient, même pas le plus beau des discours, le merveilleux étant le plus beau des discours ».

Dans le second cas (oiseau commun, chant commun), le Bouddha suggère que tout est beau, toujours (et non plus parfois) et que même si c’est commun, c’est beau et le silence que cet émerveillement issu du banal provoque se suffit à lui-même et vaut mieux que tout discours, celui-ci étant de toute façon destructeur de ce silence. Cette seconde version s’adresse à des personnes raffinées. Celles qui peuvent même comprendre ce judicieux conseil d’un éminent bouddhiste : « Si tu vois le Bouddha, tue-le ! » car elles savent que le Bouddha ici n'est rien d'autre que la pensée du Bouddha (occultant déplorablement le silence). (Dit en passant, on est alors aux antipodes de ces religions où le doute n’est pas permis, où l’on va jusqu’à vous occire si vous mettez en doute ce qui est dit dans des livres déclarés incontestables, si vous osez penser « par vous-même ».)

Aimer sa vie, privilégier le silence, penser par soi-même : méditer donc.

 

 

 

 

* : Les Indiens parlent de personnes non éduquées là où nous dirions non instruites. Mais il s’agit plutôt ici de personnes au faible niveau d’entendement, telles le passereau évoqué par Henri Michaux dans : « Celui qui parle de lion à un passereau s’entend répondre : tchipp. » (Dans Face aux verrous, p. 40. )

P. S. : Dans le billet du 13 mai 2016 (où, coïncidence, était aussi cité Henri Michaux), il était question d’épanouissement.

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À propos
Marc

Photographe, écrivain, sophrologue et enseignant de raja yoga, j’ai bourlingué des années en Asie et vécu longtemps dans des ashrams indiens. Lecteur de toutes les philosophies et amoureux de tous les silences, je vous livre ici mes fulgurances d’après ... silence.
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