FULGURANCES D’APRÈS SILENCE
Et si on s'arrêtait un peu, quelques minutes par jour, pour goûter le silence, s'asseoir " simplement et sans affaire " comme disent les maîtres zen, pour se retrouver, goûter le " non-agir ",
apprécier le moment présent… ? Attention, ce n'est pas un rituel spiritualiste ou une invitation à rejoindre une association bizarre. C'est de médecine qu'on parle. De santé.
Le professeur Jon Kabat-Zinn traite le stress, notamment celui des patients des hôpitaux, depuis trente ans avec des techniques de méditation fondées sur la prise de conscience du souffle et des
sens. Quand on lui fait remarquer que cette méthode pourrait aussi aider les personnes souffrant de déficit d'attention, il sourit et remarque doucement : " Mais mon Dieu, c'est la société tout
entière qui souffre d'un déficit d'attention ces temps-ci. "
Ce professeur de médecine à l'université du Massachusetts enseigne la méditation mais il est tout sauf un gourou à la mode. De passage à Paris, où il présente la traduction d'un de ses livres
majeurs (L'Eveil des sens, Ed. des Arènes, 450 p., 27 €), il reconnaît même détester les recettes new age. Diplômé du MIT en biologie moléculaire, il a étudié à fond, scientifiquement, les effets
des diverses voies de méditation (yoga, tibétaine, zen…) avant de lancer sa fameuse Clinique de réduction du stress en 1979.
" Quand je me revois alors, je me dis : “Mais c'était quoi, le stress, dans ces années-là ?” En comparaison avec ce que nous vivons actuellement, plongés dans le monde numérique qui nous
sollicite en permanence et nous oblige à être multitâche, ce n'était rien ! Aujourd'hui, face au progrès digital, nous ne voyons plus les fondamentaux de la vie, nous faisons des listes, nous
répondons à nos courriels, nous avons peur de ne pas pouvoir tout faire, nous avons du mal à fixer notre attention plus de cinq minutes… Drogués du numérique nous agissons, faisons, défaisons…
Nous ne sommes plus des “êtres” humains mais des “faires” humains ! "
Jon Kabat-Zinn enseigne cela sans relâche depuis trente ans. Il intervient aussi bien dans les séminaires d'entreprise que devant les congrès médicaux, il aide les équipes olympiques ou les
soldats de retour d'Irak ; et, sans se lasser, il répète ce " presque rien " (selon son expression) : nous pourrions aller mieux si chaque jour nous méditions un moment, pour nous accorder, nous
mettre dans le ton. Il répète qu'il est urgent d'apprendre à nous servir d'autre chose que de notre capacité à penser, pour découvrir la conscience, la pleine conscience. Il apprend même " l'ici
et maintenant " à des managers qui sont partout à la fois et sans cesse en avance d'un coup (à voir sur Internet la vidéo surprenante de sa conférence devant les salariés de Google). On découvre
avec lui qu'au-delà de nos cinq sens, l'esprit est un sens. Et qu'il est bon de vivre chaque instant à fond. Bref, des choses simples mais essentielles que la vie moderne efface un peu plus
chaque jour.
Médecin avant tout, le professeur Kabat-Zinn a une vision assez médicale des problèmes de nos sociétés, de leurs maladies ; il tient des propos durs sur son pays dans les années Bush. Mais c'est
surtout aux individus malades qu'il s'adresse ; ainsi qu'à nous tous stressés de la vie. Le genre de traitement qu'il préconise est simple et peu coûteux ; pourtant, dans ce domaine, la France,
enfermée dans ses certitudes et son déficit de la Sécu, est loin derrière l'Allemagne et la Scandinavie. Elle a au moins vingt ans de retard dans l'étude et l'application de ces techniques de
réhabilitation. Voilà une autre information à méditer. Au calme.
Didier Pourquery
Article paru dans l'édition du 20.06.09
Photographe, écrivain, sophrologue et enseignant de raja yoga, j’ai bourlingué des années en Asie et vécu longtemps dans des ashrams indiens. Lecteur de toutes les philosophies et amoureux de tous les silences, je vous livre ici mes fulgurances d’après ... silence.
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