FULGURANCES D’APRÈS SILENCE
13 Mai 2016
Je repense à cette gamine mince au poignet cassé qui a sonné en janvier à ma porte pour me proposer des stylos et du chocolat en faveur d’une association d’aide aux lépreux. Je ne lui en ai pas achetés, mais tout de suite après avoir inventé une raison (pas de monnaie sur moi), j’ai éprouvé intensément le besoin de lui dire: « Mais c’est très bien ce que tu fais, et des chocolats pour ton œuvre j’en achèterai un autre jour. » Dans ce « c’est très bien ce que tu fais », il y avait une « montée » d’amour pour cette gamine, et j’ai compris que l’humanité était comme cela: pleine de gens innocents et prêts à la bonté, cette force extraordinaire, comme disait Youssef Chahine. (Mais, on le voit, une force trop faible quand même pour sauver le monde. Passons.)
Puis, la porte refermée, j’ai fort regretté de l’avoir peut-être quand même un peu déçue, cette frêle et fragile gamine, malade peut-être, déjà condamnée comme nous tous à la souffrance et à la mort, à travers laquelle j’avais vu la bonté du monde. Et je suis passé à de la souffrance dans ce corridor d’hiver, ou plus exactement à quelque chose qui sans être l’opposé du bonheur (dans lequel je baignais avant que ne sonne cette gamine), n’était plus lui, mais sa trace - qui, comme toute trace laisse une plaie (comme disait H. Michaux).
Tout ceci pour dire qu’il faudrait réfléchir profondément à la définition du bonheur, de la joie, de la déception, de la souffrance et du regret, et voir ce qui les provoque et ce qui les relie par des équations claires; et pour dire aussi que nous devrions nous aider plus ouvertement (plus impudiquement devrais-je écrire, si je n’étais pas, moi aussi, un produit de cette morale judéo-chrétienne qui a fait de nous des manchots de l’amour) d’être à être, car c’est cela qu’il se passerait si nous n’avions plus nos masques, nos morales, nos tabous: nous nous entraiderions, nous nous aimerions et de nous aimer sans honte et sans réserve, nous serions heureux.
P.S.: Dans le billet du 13 mai 2015 il était question de reconsidération.
Photographe, écrivain, sophrologue et enseignant de raja yoga, j’ai bourlingué des années en Asie et vécu longtemps dans des ashrams indiens. Lecteur de toutes les philosophies et amoureux de tous les silences, je vous livre ici mes fulgurances d’après ... silence.
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