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FULGURANCES D’APRÈS SILENCE

regret

Lettre de l’été dernier à une amie restée en ville:

Chère A.,

De retour dans l’idyllique Scandinavie où les étés sont si mystiques, j’entends par étés, les longues soirées, les courtes nuits (pleines lunes sur les lacs), les matins qui commencent si tôt (lumières, silences, réveil lent des oiseaux), je pense à ce que l’homme a reçu en cadeau de la nature et je me dis que le plus beau lui a été donné, et même dans l’écrin de rareté nécessaire à ce qu’il apprécie, pourquoi ce dernier point: parce que le cadeau, aurait-il été permanent (toute l’année donc), il n’aurait pu l’apprécier autant que comme ceci: ces étés mystiques et attendus car entourés de nombreux mois moroses (exception faite peut-être de ces journées d’hiver ensoleillées et roboratives quand même par la grâce d’une lumière revenue, rare, froide, intense). Le plus beau lui a été donné, à cet homme, chère A., et c’est le cas au fond partout sur cette terre où la beauté, à des degrés divers, pour des yeux divers, est consubstantielle à la nature.

Les religions polythéistes et animistes, faisant adorer les éléments, totalement irrationnelles mais si joliment poétiques accompagnaient l’homme qui ainsi rendait hommage à une nature dans laquelle il se fondait, la respectant, et qui le faisait vivre. Puis le diable est venu, plus fort que dieu, on le sait aujourd’hui: il a dit « je suis dieu, je vous ai créés, je vous dis ce qu’il faut faire de votre environnement que j’ai prévu pour vous: croissez, multipliez-vous, assujettissez cette nature que j’ai mise à votre disposition. A vous, la seule responsabilité est de me craindre et de m'idolâtrer». Ainsi les religions monothéistes, monodiaboliques faudrait-il peut-être plutôt dire, chère A., ont supplanté les religions respectueuses des éléments. L’homme a abusé de la nature plutôt que d’en user avec parcimonie, comme il l’avait fait avant que le diable ne se tourne vers la terre et n’y écrive la genèse du monde à sa façon, et n’en fixe l’usage. L’homme, il faut le dire aussi, aidé par la pensée aristotélicienne revenue à la mode dans un autre contexte (que le grec) a compris tout l’usage qu’il pouvait faire de son intelligence calculatrice et cynique, libérée de tout scrupule, de toute préoccupation de ne pas laisser de trace, donc de plaie (Michaux dans Face aux verrous*, que je relis ici, Gallimard 1967, p. 64). Et donc, hormis autour des lacs nordiques (je t’écris sur les bords de l’un d’eux, il est 5h40 du matin, il fait jour depuis longtemps, soleil fort, lac calme, silence, je suis littéralement émerveillé) et de quelques autres endroits, la beauté de l’œuvre de dieu n’est plus visible, le diable a gagné et l’homme est en fuite sur sa terre. Mais il n’a nulle part où aller. Son annihilation est proche. Odin et les autres, pourquoi l’avoir abandonné au si bien nommé malin?

Avec mes amitiés, bien chère amie,

 

 

 

 

P.S.: Dans le billet du 13 novembre 2007 il était question de non-conformisme.

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À propos
Marc

Photographe, écrivain, sophrologue et enseignant de raja yoga, j’ai bourlingué des années en Asie et vécu longtemps dans des ashrams indiens. Lecteur de toutes les philosophies et amoureux de tous les silences, je vous livre ici mes fulgurances d’après ... silence.
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