FULGURANCES D’APRÈS SILENCE
11 Décembre 2012
Nous considèrent-elles comme horriblement décadents, ces très nombreuses femmes enfoulardées de noir qui s’empâtent de petits déjeuners coûtant l’euro symbolique dans le resto d’Ikea de ma capitale (self-service qui, hier, m’a fait penser à une sorte de resto du cœur, tellement le public y respirait le dénuement), ces mères sans séduction qui vivent dans un autre monde, qui ne nous voient pas, qui devisent entre elles tout en promenant entre deux tasses de café gratuites leur marmaille dans les couloirs de ce labyrinthe dédié à la consommation petite-bourgeoise?
Ce n’est pas cloisonné comme cela que je voyais notre monde dans le futur, quand j’arpentais nos villes multiculturelles dans les années 70. Les manifestations extérieures claniques y étaient rarissimes et j’y avais des amis de toutes convictions; et en voyage j’étais même reçu dans les mosquées pour les offices, de Karamanli (sans point sur le i) à Ambon en passant par Batu Ferringi (au nouvel an 1977, un samedi). L’islam était l’ouverture même et les étrangers sur certaines de ses terres, les envoyés de Dieu. Rien que pour faire plaisir à nos hôtes, qui se disaient nos frères, on se serait bien converti.
Qu’est-il advenu de ce monde? Pourquoi s'est-il ainsi radicalisé? Est-ce parce que nous n’avons pas suffisamment chouchouté ces immigrés quand ils nous étaient utiles et que nous les payions pour leur sueur et leurs larmes que leurs femmes nous regardent aujourd’hui sans nous voir? Est-ce eux qui ont changé ou est-ce moi qui ai vieilli et perdu le feu sacré de la jeunesse qui me faisait aller vers l’autre et recevoir au centuple sa sympathie en retour? Et surtout, surtout, puis-je encore vivre en paix avec tout ce mépris à ma porte?
Bref, cette visite à Ikea, hier, m’a laissé un goût amer, le goût de ma première intolérance, et ces questions ont perturbé la méditation du matin, interdisant le silence.
Je me devais, me semble-t-il de vous faire part de mon désarroi, même si vous êtes habitués à des billets moins pitoyablement personnels sur ce blog.
P.S.: Le billet du 11 décembre 2009 vous parlait de rapprochement.
Photographe, écrivain, sophrologue et enseignant de raja yoga, j’ai bourlingué des années en Asie et vécu longtemps dans des ashrams indiens. Lecteur de toutes les philosophies et amoureux de tous les silences, je vous livre ici mes fulgurances d’après ... silence.
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