Nous ne pouvons sans doute être heureux que quand nous n'aspirons plus au bonheur et que nous avons réalisé que c'est l'aspiration même qui est source de frustration. Il faudrait aller au
fond du désespoir* de façon naturelle, sans aspirer à ce désespoir toutefois, sinon il y aurait encore espoir et donc souffrance.
Tout comme pour ce que l’Orient appelle l’éveil, le bonheur ne pourrait être recherché en aucune façon, ni consciente ni inconsciente. Bonheur et éveil seraient un en ce sens qu'ils seraient
possibles tout en étant littéralement hors d'atteinte, à l'opposé du désir. Leur beauté et leur caractère ultime viendraient de ce qu'ils se positionnent à l’impalpable centre de ce paradoxe, le
plus métaphysique de tous.
Remarquons d’ailleurs en passant que les paradoxes sont tous dans une certaine mesure métaphysiques, puisqu'à l'instar des koan du rinzaï zen, les transcender
débride un tout autre état de la conscience.
*: Au sens littéral du terme, d’absence d’espoir, d’envie, de désir, bref de projection dans ce que nous appelons le futur.