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FULGURANCES D’APRÈS SILENCE

réincarnation

Et si on reconsidérait le concept de réincarnation ?

Jusqu’ici, malgré mon intérêt pour certaines écoles (darshana) orthodoxes de philosophie hindoue, j’ai toujours considéré leur croyance en la réincarnation avec indifférence, avec dédain même. Je la voyais comme une lâcheté et la consolation de ceux qui ne peuvent se satisfaire de cette vie, leur vie, et lui donner suffisamment d’attention pour la vivre pleinement, avec une délicieuse félicité, exempte en tout cas de trop de regret.

Mais voilà qu’aujourd’hui même, un doute fulgurant a surgi concernant cette réincarnation: et si, me suis-je dit, cette croyance propre à un certain Orient, avait surgit pour une raison bien plus profonde (et moins commode) que pour se remonter le moral et supporter ces vallées de larmes que sont nos vies? Et si elle avait pour cause un regret, celui - qui taraude nombre d’entre nous - de ne pas avoir accompli ce que nous aurions voulu et ce à quoi nous nous étions (ou pensions avoir été) destinés, bref, de ne pas avoir assez de cette vie et de ne pas pouvoir aller jusqu’à en avoir assez d’elle ?

L’Inde aurait alors investigué et peut-être réellement compris que l’âme (Atman)*, une fois libérée, ne pouvait se satisfaire de l’insatisfaction qu’elle avait constatée (et qui, selon elle, l’avait peut-être salie) lors de précédente « habitation ». Elle avait alors éprouvé, cette âme, le besoin de migrer vers un autre corps, puis un autre, puis un autre encore, jusqu’à ce qu’elle trouve enfin la personne parfaite, celle qui lui permettra, lorsqu’elle la quittera**, de ne plus avoir à s’incarner encore, mais de rejoindre sa véritable demeure, la Réalité Ultime (Brahman) dont elle ne s’était d’ailleurs qu’illusoirement éloignée (mais c’est là un autre, vastissime, sujet).

Donc, me suis-je dit poursuivant ma méditation, sachant que notre vie est mystère, que notre âme même l’est tout autant, il ne serait pas si idiot de penser que c’est pour avoir quitté le corps d’une personne insatisfaite que cette âme (dont on ne sait strictement rien), touchée par cette insatisfaction, continuerait son chemin, s’incarnerait dans un autre sujet en recherche de satisfaction totale, afin de l’aider dans sa tâche (pourquoi pas ?), sujet qui au moment de sa propre mort dirait enfin: Merci, j’ai tout eu (ou j’ai tout été).

Notre vie, ai-je alors conclu, pourra alors être vue comme un chemin de transit parcouru par une âme (à défaut de mot donnant encore plus le vertige) tentant échapper à toute naissance, à toute souffrance. Et nous devrions la vivre de telle façon qu’elle ne nous laisse aucun regret au moment de la quitter.

Vu sous cet aspect, le concept de réincarnation révèlerait sa dimension ésotérique : il s’agirait moins de consoler le malheureux que le sort a trahi que de suggérer à tout un chacun qu’il y a une raison à son infortunée incarnation. 

 

 

 

 

* : L’Inde pense qu’une âme ne peut que nous habiter, sinon être vivant n’aurait aucun sens. Pressentant la vertigineuse portée de ce concept, pour elle la réincarnation est un  truisme [il faut exclure ici le véritable bouddhisme, né en Inde certes, mais restant hors de l’hindouisme car inorthodoxe (ne reconnaissant pas l’autorité des Vedas), bouddhisme qui dit  que « Sarvam anytyam, sarvam anatman, tout est éphémère et absolument rien n’est éternel », mais pas celui adopté par le peuple qui y croit, lui, à la réincarnation, parce qu’il en a besoin pour supporter la dureté de cette vie et croire que ce n’est pas vainement qu’il aura porté sa lourde croix].

** : En Inde, on ne dit d’ailleurs pas d’une personne qu’elle est décédée, mais qu’elle a quitté son corps.

P. S. : Dans le billet du 13 avril 2016 il était question de lancinance.

 

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À propos
Marc

Photographe, écrivain, sophrologue et enseignant de raja yoga, j’ai bourlingué des années en Asie et vécu longtemps dans des ashrams indiens. Lecteur de toutes les philosophies et amoureux de tous les silences, je vous livre ici mes fulgurances d’après ... silence.
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