griserie

Des mots, idées et autres usages du cerveau, sauter dans le vide ou plutôt s’y laisser tomber. L’ultime action est une non-action. Libératrice.

On peut voir la chose sous l’angle de la concentration que pratique le raja yogi débutant. Mon premier gourou en Inde, à qui j’avais demandé que faire de mon assise en silence après avoir fermé les yeux, m’avait dit, surpris par ma question : « Concentrez-vous sur la lune et les planètes ! ». Que dire d’autre à un néophyte que l’importance de l’effort, effort qu’il faudra un jour totalement abandonner pour rejoindre le grand silence ? Il s’agit là de dharana, la concentration forcée (la concentration naturelle s’appelant dhyana, la méditation, on en parle tant et plus sur ce blog). Et moi, de l’écouter, ce brave homme, et de voir, surpris, ce que mon esprit, ainsi encouragé, pouvait me dire sur ces corps célestes, mêlant ce que je savais déjà et ce que j’imaginais.

Ce type de concentration peut se faire sur n’importe quel sujet. On y apprend beaucoup sur la façon dont le cerveau travaille, sur ce qu’il aime et déteste, sur l’inconscient qui nous aide quand on cesse de lui donner des ordres, etc. Puis un jour, cela paie vraiment. Et l’on est alors tel ce cycliste qui dans la descente se rend compte que pédaler est devenu inutile, on est porté par le vent de la vie, on se meut (il faudrait plutôt dire on flâne) à la vitesse de celui-ci.

Je me demande d’ailleurs si cette sensation, ce n’est pas celle que recherchent inconsciemment l’enfant sur le toboggan, l’aéronaute (à la hauteur où pressions extérieure et intérieure sont égales, plus rien ne freine la montgolfière et le silence advient) et n’importe quel féru de sport de glisse. 

Cette griserie quand on se laisse porter, quand on s’abandonne, quand on fait « corps avec », n’est-elle pas un avant-goût de paradis ? 

P. S. :  Dans le billet du 23 février 2012 il était question de recouvrement.