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FULGURANCES D’APRÈS SILENCE

immaturité

Vieux et « non-vieux », voilà comment une société immature résume la composition de ses membres lorsque le bateau coule, comme c’est le cas aujourd’hui. Et cela, non pour les unir mais pour les opposer.

Dans l’hindouisme, un monde avec beaucoup plus de bouteille que le nôtre, on a toujours veillé à ce que les âges de la vie [brahmacharya (le temps de l’apprentissage), grahasthashram (le temps de la vie de famille), vanaprastha (le temps du détachement par la méditation) et enfin, sanyas (le temps du dépouillement par le renoncement)] soient marqués du sceau de la sympathie, du respect et de l’entraide mutuels. Quoi de plus logique, au fond, les vieux ayant été jeunes et les « non-vieux » n’allant pas toujours le rester ! Ce respect de tous les âges se retrouve dans toutes les sociétés « traditionnelles » que j’ai visitées, notamment l’indienne à laquelle je pense d’abord, mais aussi la turque où, mûrissant de voyage en voyage,  je suis devenu un beau jour l’oncle (dayi) de chacun, et où beaucoup, à ma grande gêne d’ailleurs, ont commencé à me toucher le pied en guise de salut respectueux.

Mais chez nous, quid de ce respect ?

Devant la menace d’un impitoyable virus, de plus en plus de personnes que l’on dit « non à risque » agissent comme si les autres n’avaient qu’à bien se tenir et mourir en silence, pourvu qu’elles aient, elles, du bon temps. Quoi de plus insupportable qu’un peu de patience et d’ennui dans ce monde du tout, tout de suite, rien que pour moi!

Le problème - et c’est là qu’on voit les limites de cette approche égocentrée, ainsi qu’en quoi les sociétés traditionnelles évoquées plus haut ont raison d’opter pour une irrécusable solidarité intergénérationnelle -  c’est qu’agissant ainsi les hôpitaux vont se remplir de vieux terrassés par le virus, et que donc les « non-vieux » n’y trouveront plus de lits pour reposer leurs corps atteints par les innombrables pathologies dont on peut souffrir à tout âge (allant de l'orteil cassé au cancer). Leur insouciance va se retourner contre eux et, injustice à laquelle on pense trop peu, certains pour avoir été délaissés, n’atteindront jamais (ou alors dans un piètre état) l’âge de ces vieux se débattant maintenant avec la mort, mais ayant au moins longtemps vécu.

Certes, pour être un peu plus exhaustif quand on parle des conséquences de l’insouciance évoquée plus haut, il faudrait aussi parler de l’état de monde (pauvreté, barbarie) dont cette insouciance sera in fine responsable. Et là, ce seront manifestement les « non-vieux » d’aujourd’hui qui trinqueront puisque le sombre avenir qu’ils auront provoqué (avec certes un environnement moins maltraité et plus durable que celui d’aujourd’hui, mais c’est là un autre débat) leur appartiendra exclusivement, tout comme les vieux d’aujourd’hui ont eu pour eux une jeunesse dorée dans un monde de plein d’emploi, où l’aventure et la recherche du sens de cette vie (retour au vanaprastha évoqué plus haut) étaient possibles, et où chacun croyait encore aux lendemains qui chantent.

 

 

 

P. S. : Dans le billet du 17 octobre 2007 il était question d’abdication.

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À propos
Marc

Photographe, écrivain, sophrologue et enseignant de raja yoga, j’ai bourlingué des années en Asie et vécu longtemps dans des ashrams indiens. Lecteur de toutes les philosophies et amoureux de tous les silences, je vous livre ici mes fulgurances d’après ... silence.
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C
Oui, je ne bougerai pas une ligne de ce qui est dit là .. Nous sommes dans une société malade d'elle-même, ce n'est pas tant que ce soit nouveau au demeurant c'est juste que cela s'exacerbe en fonction des crises successives que nous traversons et qui en réalité relèvent de la responsabilité de chacun, mais la méthode consiste à se positionner en victime, "c'est pas moi c'est l'autre" ! Néanmoins je lis actuellement un ouvrage intéressant sur le Dasein (trop long à développer sur un commentaire mais qui rapidement signifie "Etre le là") et une approche de Minkowski m'a marquée bien que ne tournant pas spécifiquement autour du "monde" mais autour de cas relevant de la psychiatrie, à savoir je cite "la mélancolie schizophrénique" autrement dit "la malformation particulière du temps vécu", et de fait l'incapacité de voir par delà la journée présente et de relier les expériences les unes aux autres afin d'en tirer une conclusion pour l'avenir. Minkowski parle du temps qui s'effondre ..en entier ! Finalement n'y sommes-nous pas ? votre billet vieux/non vieux m'a donc renvoyé aux propos de Minkowski .. vieux/non vieux, cet éternel combat qui n'aboutit jamais à rien si ce n'est à alimenter la haine de l'autre .. Je n'ose évoquer la notion de respect de fait !
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M
Un humoriste vieillissant prétendait qu'il n'était pas plus vieux que son interlocuteur mais qu'il était jeune depuis plus longtemps (que lui). Je ne sais pas votre âge, mais au mien, je sens que je vais bientôt avoir l'occasion de faire usage de cette répartie (lol). <br /> Cordialement, <br /> Marc
G
Bonjour Marc , merci pour vos textes que j'apprécie toujours beaucoup ! De fait j'aimerais aussi savoir ce que vous pensez de la démarche de Somasekha ? Je vous envoie ce lien-vidéo ou elle s'exprime : https://youtu.be/NWbvcL518B8<br /> <br /> Bien amicalement,<br /> <br /> Dominique Giraudet .
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M
Bonjour Dominique et merci pour votre mot, très gentil. <br /> Malheureusement je ne donne jamais d'avis sur les gens qui publient sur yt. Peur de me planter sans doute. Mais si cela vous appelle, pourquoi pas?<br /> Amitiés, <br /> Marc