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FULGURANCES D’APRÈS SILENCE

définitions

L’autre jour, j’écoutais un philosophe parler de la joie à la radio, citer d’autres philosophes (Spinoza, Nietzsche, Lenoir, Jollien) et dire de très belles choses sur ce délicieux sentiment (louant même la méditation comme en étant une source). Mais à la fin, on était un peu agacé de trop bien-pensance, de trop d’évidences aussi. Comme s’il avait voulu faire du compliqué avec du simple (un travers de philosophe médiatique, diront certains). On était aussi perdu tant on avait l’impression qu’il employait le mot joie à tout bout de champ, même quand il parlait du plaisir, et encore plus souvent quand il parlait du bonheur. Définir les concepts et s’y tenir devraient être les premiers soucis du philosophe.

Je me suis alors demandé comment définir les choses de façon à mettre un tant soit peu d’accord Spinoza, Nietzsche, Lenoir, Jollien et les autres, trouver un angle d’approche sur lequel on ne pourrait que s’entendre. Et je me suis dit : et si on voyait les choses en partant du sujet qui expérimente ces états de conscience que sont le plaisir, la joie, le bonheur et l’extase (ce dernier concept n’ayant pas été, ne fût-ce que mentionné par le philosophe à la radio, signe sans doute que la méditation qu’il évoquait ne devait pas être sa « spécialité »)?

Et alors dans un élan spontané et peu réfléchi, je couchai ces propositions :

 

« Le plaisir,  c’est l’ego qui jouit ; la joie c’est l’ego qui se calme ; le bonheur c’est l’ego qui se repose ; l’extase c’est l’ego qui vous dit adieu  (aussi dans le sens de « À Dieu !  » si tant est que la majuscule se justifie mais en la mettant vous voyez mieux ce que je veux dire). »

 

Et j’ajoutai un peu plus tard:

 

« Si chacun voit ce que plaisir et bonheur veulent dire et peut donc aisément les définir « avec ses mots », d’autant plus qu’ils sont très différents l’un de l’autre (le premier est une jouissance et le second nous trouve plus réservé et, contrairement au plaisir, ne semble pas avoir de cause et être explicable) la joie, elle, est un concept un peu fourre-tout. Quand on est joyeux, égrillard, guilleret, allègre, on a du plaisir et on est heureux, mais avec cela on ne va pas bien loin. La joie sans plaisir ou sans bonheur existe-telle d’ailleurs ? On peut en douter.

 

 

À noter que pour parler du plaisir rien de tel que de relire Épicure, le plaisir comme « l’absence de douleurs en son corps, et de trouble en son âme »,« le plaisir comme le principe et la fin de la vie bienheureuse » (dans sa lettre à Ménécée, dans Diogène Laërce, Vies et doctrines des philosophes illustres, Pochothèque, 1999)

Quant à Nietzche (un autre philosophe des plus fréquentables),

Dans la maison de sa soeur à Weimar où il vécut une triste fin

Dans la maison de sa soeur à Weimar où il vécut une triste fin

, même si l’idée de la joie était loin de lui être indifférente, il éprouvait peu ce sentiment lui-même, me semble-t-il pour l’avoir médité sur ses plus belles promenades en haute-Engadine. De la joie*, peut-être seulement quand il prenait du haschich (ce qui ne semble pas avéré dans la littérature) mais de l’exubérance et de l’extase, cela oui. Exubérance (et bonheur aussi bien sûr), quand les douleurs du corps s’estompaient et qu’il marchait d’un bon pas pendant ces si belles journées d’été d'Engadine

définitions

de Sils Maria vers la presqu’île de Chasté ou vers Silvaplana (et son rocher de Surlej sur le lac)

le rocher de Surlej où lui est venue de façon fulgurante l'idée de l'éternel retour

le rocher de Surlej où lui est venue de façon fulgurante l'idée de l'éternel retour

dans les prés fleuris et grouillant de vie ; et extase, cette forme de bonheur éperdu quand il eut ses fulgurances, quelques « 6000 pieds par delà l'Humain et le temps ». De l’extase donc, du bonheur sûrement :

 

« (... ) Combien doit être heureux celui qui peut avoir ce sentiment ici même, dans cette atmosphère d’octobre sans cesse ensoleillée sous le souffle malicieux et heureux du vent, qui se prolonge du matin au soir, enveloppé de cette clarté la plus pure et de cette fraîcheur tempérée, et se retrouver dans le caractère riant et sérieux, à la fois, des collines, des lacs et des forêts de ce plateau, qui s’étend son crainte à côté de l’épouvante de la neige éternelle, là où l’Italie et la Finlande ont formé alliance et semblent être la patrie de toutes les nuances argentées à de la nature : - heureux celui qui peut dire : « Il y a certainement beaucoup de choses plus grandes et plus belles dans la nature, mais ceci est étroitement et intimement parent avec moi, j’y suis lié par les liens du sang, par plus encore ! »

(Le Voyageur et son ombre, aphorisme 338, F. Nietzsche, Œuvres, Bouquins, Laffont 1993,  p.951)

 

 

 

 

* : Peut-on être de nature joyeuse quand on est lucide, le plus lucide des hommes, contemplant ces derniers notamment depuis l’altitude purifiante de l’Engadine ?

 

Depuis le Muottas Muragl, la presqu'île de Chasté au fond

Depuis le Muottas Muragl, la presqu'île de Chasté au fond

P. S. : Dans le billet du 9 avril 2014 il était question d’une supposition.

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À propos
Marc

Photographe, écrivain, sophrologue et enseignant de raja yoga, j’ai bourlingué des années en Asie et vécu longtemps dans des ashrams indiens. Lecteur de toutes les philosophies et amoureux de tous les silences, je vous livre ici mes fulgurances d’après ... silence.
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