drame

On se rend compte que la liberté est rare chez l’homme, depuis le pauvre qui vit au bord des rails ou qui casse des pierres à longueur de journée en ne pensant à strictement rien d’autre qu’à se nourrir pour survivre, lui et sa progéniture, jusqu’au riche qui est obligé de travailler - sans parler qu'il doit passer de précieuses heures de sa vie dans des bouchons, les yeux rivés sur les feux stop d’un autre compagnon d'infortune - puis de s’occuper des enfants de ses enfants quand il est pensionné. Ces captifs ne seront libérés que par la mort.

La somme faite de tous ces internés, que reste-t-il comme gens libres ? Choisir sa vie est un privilège rare, comme le souligne Henning Mankell dans Sable Mouvant (Editions du Seuil, Points, 2015, page 130).

Cela bien compris, le choix philosophique entre bonheur et liberté n’en est plus un que théoriquement : dès lors que l’immense majorité ne sait pas ce que liberté veut dire, comment pourrait-elle débattre de cette question en connaissance de cause ?

Quant à la question de savoir si elle sait au moins ce qu’est le bonheur, je la soupçonne également d’ignorer tout de celui-ci, en ce monde où la souffrance nous cerne (et parfois nous touche aussi), en ce monde aussi où l’extase du libéré vivant n’est même plus d’actualité, comme ce l’était dans les beaux jours de l’Inde, quand les concepts d’illumination, d’éveil et de libération (nous y revoilà) de l’illusion fondamentale (maya) n’étaient étrangers à quasi personne et que derrière eux se profilait pour chacun une possibilité d'évasion.

P. S. : Dans le billet du 30 novembre 2010 il était question d’un remarquable dérapage.