FULGURANCES D’APRÈS SILENCE
4 Janvier 2016
Dans La fête de l’insignifiance, Milan Kundera fait dire à la mère d’un personnage:
« Je serai franche. Depuis toujours cela m’a paru horrible d’envoyer au monde quelqu’un qui ne le demandait pas.
- Je le sais, dit Alain.
- Regarde autour de toi: de tout ceux que tu vois, personne n’est ici par sa volonté. […] »
Et si, au fond, tous les humains, toutes les créatures de l'univers et celui-ci même, n’étaient ici que contre leur gré? Et si l’existence de chacun d’entre nous était une punition d’un dieu qu’il faudrait alors courageusement rebaptiser « diable »?
Et peut-être ce diable n’a-t-il même donné que l’impulsion primordiale, initiant une sanction qui se réplique sans fin par des êtres qui, ne voulant admettre qu’ils sont vivants contre leur gré*, croient donner la meilleure preuve de leur plein consentement à vivre en se reproduisant eux aussi. Le diable n’aurait plus rien à faire. Qu’à compter la souffrance et à se réjouir du succès toujours croissant de celle-ci. Un succès dû à notre ignorance fondamentale, première tare de l’homme selon les hindous, ignorance** (avidya) qui consiste à ne pas vouloir admettre que la vie telle que nous la vivons est un drame (tout le contraire d’un cadeau), ce qui nous maintient dans l’illusion (maya), loin de la Réalité Ultime (Brahman), son opposé, dont rien ne peut être dit, ne fût-ce peut-être que parce qu’elle ne pourrait être captée que par notre… inexistence.
Mais que faire alors, puisque nous sommes vivants? Deux façons peut-être de faire contre mauvaise fortune bon cœur, deux chemins: celui de la méditation (qui est un autre mot pour l’attitude philosophique qui consiste à réfléchir à contre-courant) et celui de l’humour, le second n’existant que parce que le premier lui donne vie, se sentant trop peu emprunté.
*: A noter que les humains ne sont peut-être pas totalement (je veux dire inconsciemment) ignorants de tout cela. Ce qui expliquerait leur suicide autoprogrammé: sinon pourquoi s’entretueraient-ils, pourquoi se reproduiraient-ils dans une proportion déraisonnable, pourquoi saccageraient-ils leur planète, pourquoi se refuseraient-ils toute avancée spirituelle, toute progression vers la transcendance en adoptant des religions du livre pauvres en spiritualité?
**: Pour les bouddhistes, la cause fondamentale de la souffrance est le désir, cette insatisfaction permanente qui nous caractérise certes, mais qui, de plus, dans le cadre de la réflexion actuelle, aboutit au but recherché par le diable: la reproduction (de la vie-souffrance).
P.S.: Dans le billet du 4 janvier 2014 il était question d’une prémonition.
Bonne année 2016, Mr Kroll et vous tous!
Photographe, écrivain, sophrologue et enseignant de raja yoga, j’ai bourlingué des années en Asie et vécu longtemps dans des ashrams indiens. Lecteur de toutes les philosophies et amoureux de tous les silences, je vous livre ici mes fulgurances d’après ... silence.
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